Made in Normandie - Comment Maison Sassy anoblit le cidre du terroir
1 mai 2018
Le cidre Maison Sassy s'invite aux apéros branchés et tables étoilées. Rencontre avec ceux qui ont remis le terroir normand au goût du jour.
On était habitués à le boire en bolée avec une galette complète à la crêperie du coin. Mais, depuis quelques années, le cidre est de tous les apéros, particulièrement dans les grandes villes comme Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux.
Cet engouement a commencé avec le lancement en 2014 de Maison Sassy, la marque de cidre artisanal des normands Pierre-Emmanuel Racine-Jourdren et Xavier d'Audiffret Pasquier. Ces amis d’enfance, biberonnés au cidre du château de Sassy qui appartient à la famille de Xavier, ont sorti leur terroir du tiroir et révolutionné l’apéritif.
Leurs bouteilles au design élégant sont aujourd’hui vendues dans une dizaine de pays et des centaines de points de vente. Pierre-Emmanuel nous raconte comment la marque a remis ce produit artisanal au goût du jour.
Pourquoi avoir choisi le cidre ?
Nous étions tous les deux en finance à Paris et on se retrouvait souvent après le travail autour d’une bière. Mais chaque fois qu’on voulait du cidre, les options étaient très industrielles. On s'est dit qu'il manquait une référence sur les cartes de bars et on a décidé de la créer. En même temps, ce projet était un prétexte pour aller plus souvent en Normandie et un moyen de redonner à ce terroir ses lettres de noblesse. Le cidre était associé à la galette, on voulait le remettre sur les belles tables.
Comment avez-vous transformé cette boisson en reine de l'apéro ?
La période était favorable. On fait plus attention à ce que l’on mange et boit et le cidre est plus adapté à cela que la bière, car il est sans gluten, peu calorique et peu alcoolisé (2,5% pour le poiré Maison Sassy). Il est aussi plus fruité, plus sucré et moins amère, donc plus au goût des nouvelles générations qui consomment beaucoup de sodas.
Ensuite, nous avons ciblé des personnes ouvertes qui ont adhéré à cette démarche de produit artisanal remis au goût du jour, comme Sarah Andelman. Colette, a été notre premier distributeur et nous avons gagné en crédibilité quand des chefs comme Alain Ducasse et Alexandre Gauthier ont utilisé notre cidre dans leur recettes et promu des accords mets cidres sur leur menu.
Enfin d’autres marques comme Appie et Fils de Pømme sont arrivées, et cette concurrence est plutôt saine car elle profite à l'image du cidre.
Quel est le secret de vos cidres ?
La matière première. C'est la base. Nos pommes proviennent des alentours du château de Sassy et poussent dans des vergers haute tige (verger traditionnel avec des arbres dont les troncs dépassent 1,60 m et sont sources de biodiversité) qui peuvent mettre 10 ans à donner des fruits, mais ceux-ci sont extrêmement aromatiques. De plus, la Normandie offre des conditions idéales avec son haut niveau de précipitations et son sol exceptionnel. Celui de Sassy est limono-argileux et permet à l'arbre de grandir dans la souffrance et de concentrer au maximum les arômes de ses fruits, comme une vigne.
D’ailleurs, la cidrologie se rapproche de l’œnologie. Nous élaborons nos recettes avec un maître de chai auquel nous expliquons la robe, le nez et l’attaque que nous souhaitons. Nous faisons ensuite des dégustations avec des amis et souvent des anglais car l’Angleterre est un gros marché pour le cidre.
Le cidre offre-t-il autant de variété que la bière dans la production ?
Bien sûr ! Pour créer un cidre, on choisit une famille de pommes dominantes, par exemple douces si on veut faire un doux. On mélange ensuite différentes variétés de pommes issues en majorité d’une même famille. Il y a plus de 400 variétés de pommes rien qu’en Normandie donc les possibilités sont infinies.
La mise en fût permet aussi de créer de nouveaux arômes. Nous sommes actuellement en train de travailler à un jus vieilli dans un fût de cognac que nous développons avec un expert en spiritueux. Il est également possible de rajouter des arômes pour créer des cidres aromatisés, aux fruits rouges par exemple. Nous avons essayé et ça ne nous attire pas car ça implique l’utilisation d’arômes artificiels et de sucres ajoutés. Ça ne correspond pas à notre ADN artisanal et normand.
La France est le 1er producteur mondial de cidre et le Made in France a le vent en poupe, pensez-vous que cela vous a été favorable ?
Oui, les consommateurs français ont tendance à préférer le Made in France aux produits étrangers. Et à l’étranger, faire apparaître le côté français directement sur la bouteille, c’est la meilleure com’ ! On a élaboré le packaging et la recette pour pouvoir l’exporter. On ne voulait pas créer un produit trop âpre qui ne plaise qu’en Normandie et en Bretagne, mais quelque chose de léger qui puissent être servi au Canada ou dans des bars étoilés à Hong Kong et que cela nous permette de voyager…
Propos recueillis par Normandie Wells