Création d'entreprise - avoir un plan B c'est risquer son plan A !

3 Aug 2017

A l'heure où le principe de précaution prône, on nous dit souvent de garder un plan B, juste au cas où. Quand vous voulez lancer une idée qui vous tient à cœur, élaborer un plan B peut sembler raisonnable, mais il vaut mieux faire le grand saut directement. Car le problème des filets de sécurité c’est qu’on a tendance à tomber dedans, au lieu de tout donner pour son plan d’origine.

De nos jours, les entrepreneurs se multiplient, notamment parmi les jeunes. Cependant, neuf lancements de business sur dix sont des échecs. Des statistiques qui peuvent être décourageantes. Alors, comment un certain état d’esprit et la capacité à prendre des risques déterminent-ils vos chances de succès ?

Nous avons rencontré des entrepreneurs fonceurs, qui se sont imposés dans la vente, le bien-être, le sport et la pub à Londres. Ils ont pris le risque de donner vie à leur passion, sans plan B, et l’ont transformé en business prospère.

Immeuble marqué Fnatic à Shoreditch
Fnatic à Shoreditch

« J’ai vendu ma voiture afin de pouvoir emmener mon équipe de e-sport (sport électronique) à un championnat à Dallas. » raconte Sam Mathews, qui a fondé Fnatic, une entreprise spécialisée dans le jeu vidéo, ou e-sport, en 2004. Sam s’est intéressé aux e-sports bien avant qu’ils ne deviennent une industrie en plein essor. Voyant une opportunité de gagner le championnat, il s’est lancé. « J’avais 6000 euros à perdre si mon équipe ne montait pas sur le podium, mais j’étais certain qu’ils y arriveraient. Ils ont terminé premiers, j’ai donc récupéré l’argent que j’avais mis dans le projet et j’en ai même gagné. On n’investit pas si l’on n’est pas prêt à tout perdre.»

Aujourd’hui, Sam est le fondateur et directeur général de Fnatic, l’une des plus grandes entreprises d’e-sport au monde. Il y a 13 ans, il n’avait aucune idée d’où sa passion le mènerait. Depuis, les équipes de Fnatic ont gagné des milliers de championnats. Son entreprise compte 75 employés opérant dans un QG de 500m2 dans le quartier londonien branché de Shoreditch, et son concept store d’e-sport, Bunkr, est en préparation.

« Quand on monte un business, penser à tout ce que vous pourriez faire en cas d’échec peut vous y mener car vous avez déjà habitué votre esprit à cette possibilité. Il y a seulement un plan A, et s’il échoue, vous créez un plan B ou C. Il s’agit surtout de se donner corps et âme afin de faire de son idée un succès.», dit-il.

De nombreuses études s’accordent sur ce point, en soulignant les risques d’être préparé aux risques justement ! Considérer la possibilité d’un plan B peut être suffisamment séduisant pour vous empêcher de faire les efforts nécessaires au succès du plan A. Inconsciemment, vous avez déjà plus de chances d’accepter la défaite et le rejet que de lutter contre.

Pip Black et Joan Murphy, fondatrices de Frame London
Pip Black et Joan Murphy

Quand l’idée d’ouvrir une salle de fitness originale s’est présentée à Pip Black et Joan Murphy en 2009, elles ont pris le risque de louer un espace vacant sous les arches de Shoreditch. « Joan et moi étions au début de la vingtaine et n’avions rien à perdre. Je pense que cela transparaissait dans notre approche business. En y repensant, notre stratégie présentait beaucoup de risques, surtout si l’on considère l’importance de l’investissement direct. Il n’y avait pas de plan B.»

Aujourd’hui, avec pas moins de cinq adresses en ville, Frame est considérée comme l’une des marques de bien-être les plus inventives et les plus tendance de Londres. Si la jeunesse et la naïveté de Pip et Joan les ont poussés à se lancer sans aucune expérience préalable, c’est leur implication dans leur idée qui a attiré le succès : « Nous avions tellement confiance dans notre business et dans le public de femmes qui allait en bénéficier que nous aurions continué quoi qu’il arrive ».

Cela ne veut pas dire que les entrepreneurs ne devraient pas rester flexibles et ouverts aux modifications et changements de plan. Il y a une différence monde entre se préparer à échouer et adopter une attitude flexible. On peut construire, tester et retoucher en cours de route, sans pour autant abandonner l’énergie débordante qui permet à l’idée de se réaliser.

L’essentiel n’est pas tellement de trouver une idée mais de laisser les choses progresser naturellement pour que votre idée vous permette de construire la vie que vous voulez.

« Lorsque vous commencez quelque chose, toute votre énergie doit se concentrer dessus. Si vous faites ce qui vous passionne vraiment, votre engouement est contagieux », explique Kwame Ferreira, fondateur et PDG d'Impossible Labs, une agence pour l’innovation engagée socialement, qu’il dirige avec sa partenaire, l’actrice et activiste Lily Cole. Fort de son expérience dans l’expertise-conseil, Kwame a décidé de fonder sa propre organisation créative avec les gens et les membres de sa famille avec lesquels il voulait travailler.« Fonder Impossible Labs était le meilleur moyen de m’entourer du pouvoir créatif dont j’avais besoin.»

Lily Cole, devant un ordinateur et une tasse de thé, regarde sur le côté
Lily Cole

L’émergence des nouvelles technologies et celle d’une économie des petits boulots ont rendu plus facile que jamais le développement de ce genre de projets d’appoint. Cette nouvelle manière de travailler, qui permet d’embrasser le risque et l’instabilité, est peut-être ce qui donne naissance à une nouvelle classe d’entrepreneuriat.

« Lancer OK COOL était une progression logique après avoir travaillé en freelance dans les réseaux sociaux », raconte Liz Stone en parlant de son agence spécialisée dans les réseaux sociaux, lancée il y a un an et demi. « Je sentais que je devais faire en sorte que ça marche parce que j’avais l’ambition de concevoir des choses pour mes clients que je ne pouvais pas faire seule. Rater le lancement de mon entreprise n’était pas une option, même si cela voulait dire y passer mes nuits, mes matins et mes week-ends. Ce que j’ai surtout appris, c’est que la voie du succès ne contient est sans raccourci. On doit juste travailler dur et honnêtement.»

Cependant, tout le monde ne peut pas se permettre le luxe de tout lâcher pour lancer un business. Il y a alors des moyens de faire des plans jusqu’à être certain de pouvoir se lancer à 100 %.

« Je commençais à ne plus pouvoir supporter l’industrie de la publicité, où je travaillais depuis 7 ans comme directeur de comptes clients. Encouragé par la conviction qu’il y avait de meilleures façons de travailler, j’ai commencé à penser à organiser mon échappée », raconte Ben Broad - fondateur de Bubble Bros, un bar à prosecco ambulant, dans un camion.

Camion à prosecco Bubble Bros ouvert avec une série de coupes et bouteilles
Camion Bubble Bros

« Après avoir soutenu ma partenaire Rosie dans le lancement de son entreprise de maroquinerie TINCT, j’ai commencé à considérer la possibilité de m’investir plus sérieusement dedans. J’ai demandé un congé sabbatique de six mois pour tenter l’aventure et, à ma grande surprise, on me l’a accordé. Cette sécurité a joué un rôle important dans mon histoire, et après quelques mois, l’idée de ma propre entreprise, Bubble Bros, a émergé et pris forme sans plus de planification. J’ai testé le concept en en parlant avec quelques clients jusqu’à réaliser que je devais vraiment me lancer pour me concentrer sur les deux business. Aujourd’hui, je suis plus heureux que jamais professionnellement.»

Quoi qu’on en dise, il semble que les clichés sur l’entrepreneuriat et la réalisation de rêves contiennent un fond de vérité : lorsqu’on dépasse sa peur de l’échec, qu’on quitte sa zone de confort pour faire le grand saut sans filet, il en ressort souvent les plus grands succès et créations.

Lisa Roolant