Pourquoi les marques demandent des idées à leurs clients

7 Aug 2018

Les décisions ne se prennent plus seulement entre les quatres murs d’une salle de réunion étouffante. Un nombre croissant de grandes marques se tourne vers le crowdsourcing, une pratique qui consiste à solliciter directement un public large, souvent leur base de clients, pour récolter des idées avant de procéder à d’importants changements de stratégie.

La marque américaine de cosmétiques Glossier a ainsi interrogé directement ses followers sur Instagram, et tenu compte de leurs réponses pour décider du lancement de nouveaux produits. En 2015, elle a consulté ses clients sur les réseaux sociaux pour connaître les ingrédients du nettoyant visage de leurs rêves, et ajouté les meilleures réponses dans la composition de ses nouvelles formules. De son côté, la banque digitale britannique Monzo a été jusqu’à publier sa feuille de route sur Twitter, invitant ses followers à voter pour les priorités des années à venir. Résultat ? Le développement d’une application Monzo sur Android et la création d’un outil simple pour gérer son budget sur iOS ont recueilli le plus de votes.

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©Glossier

La chaîne de restaurants Pret A Manger offre sans doute l’un des meilleurs exemples de crowdsourcing réussi pour une marque. En août 2015, son CEO Clive Schlee a lancé un sondage sur son blog pour connaître l’avis de ses clients au sujet de l’ouverture d’une adresse 100% végétarienne. Après l’obtention d’un “oui” massif, la chaîne a ouvert son premier Veggie Pret à Londres, avec une carte exclusivement végétarienne et vegan. Le succès commercial est tel que la marque prépare l’ouverture de nouveaux Veggie Pret. Preuve qu’il est parfois judicieux de laisser ses clients décider de sa stratégie.

Il est vrai que les équipes dirigeantes peuvent se perdre dans les chiffres et développer une vision étriquée de leur entreprise, s’éloignant ainsi des attentes de leurs clients. Le crowdsourcing leur permet d’entreprendre la démarche inverse, de connaître leurs désirs exacts. Son effet sur la fidélisation des clients est également significatif, car il leur donne l’impression de participer directement à la prise de décision. Les clients ne sont plus de simples acheteurs, mais des promoteurs de la marque.

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©Pret A Manger

“Beaucoup de marques interrogent leur clients alors qu’elles ont déjà pris une décision. C’est une forme de fainéantise. Si vos clients sont assez bienveillants pour vous donner de leur temps, vous devez les écouter”, a déclaré Mark Palmer, ancien directeur marketing de Pret A Manger, dans une interview éloquente accordée à Marketing Week en 2016. “Les marketeurs ont des difficultés à écouter, ils ont déjà tranché la plupart du temps. C’est une erreur car si vos clients veulent faire partie de votre marque, il faut les prendre au sérieux.”

Les commentaires de Palmer révèlent pourquoi autant de grandes entreprises se tournent vers le crowdsourcing. En substance, c’est une décision courageuse qui décuple la loyauté des clients tout en offrant un accès à des connaissances de première ligne, détenues par ceux qui en savent le plus sur la marque : ses habitués. Cette démarche peut aussi être décisive pour les startups qui cherchent à investir. Le futur jeu vidéo Shenmue 3, suite moderne de la série culte de jeux conçus pour la console Sega Dreamcast, en est l’illustration parfaite. Il ne sera lancé qu’une fois que son développeur aura obtenu des investissements de la part de milliers de fans. Et au moment de sa sortie, sa base d’utilisateurs sera d’autant plus passionnée qu’elle aura l’impression de posséder une partie de l’aventure.

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Mais le crowdsourcing n’est pas sans risque. Lorsque le Conseil national britannique de recherche sur l’environnement a conduit un sondage auprès du public pour nommer son nouveau bateau destiné à la recherche polaire, le nom gagnant s’est révélé être “Boaty McBoatFace”, clin d’œil à une blague populaire qui consiste à entourer n’importe quel mot de “Mc” et de “Face”. Le sondage est devenu viral grâce à cette proposition, qui a reçu 124 109 voix, soit quatre fois plus de voix que “Poppy-Mai” - le nom d’une petite fille de 16 mois atteinte d’un cancer incurable - arrivé en deuxième position. Cette campagne prouve qu’il est préférable de ne pas s’en remettre à ses clients pour prendre une décision finale, quelle que soit la question posée. Il est essentiel de garder le contrôle sur sa marque, en utilisant les idées de ses clients plutôt qu’en leur donnant la possibilité de prendre des décisions majeures. Et seules des idées raisonnables, transmises par des les clients les plus loyaux, devraient être prises en compte. Sans ces précautions, l’opération de crowdsourcing risque de tourner au mauvais buzz et de faire plus de mal que de bien à la marque.

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©Glossier

D’après Emily Weiss, CEO de Glossier, pour suivre les traces des marques qui ont mené des campagnes de crowdsourcing avec succès, il faut les aborder comme un processus de sélection, partagé avec ses clients. Dans une interview pour Harper’s Bazaar, elle explique que “Chaque produit que nous lançons ouvre un nouveau chapitre de l’aventure que nous créons ensemble.”

“Nous avons choisi ce contact direct avec nos clientes en partie pour offrir aux femmes une expérience et un parcours client excellent, du début à la fin. Cela nous permet d’être très proches d’elles, d’obtenir leurs avis sur ce que nous devrions faire ensuite et ce qu’elles attendent d’une marque de cosmétiques. Et de leur côté, elles se sentent plus proches de Glossier.” Sous cet angle, le crowdsourcing semble être une solution gagnante à tous les coups. Mais veillez à bien préparer votre campagne, pour éviter une expérience à la “Boaty McBoatFace”.

Traduit par Clémence Gruel