Ce que les musées peuvent nous apprendre sur l’art de vendre

9 oct. 2018

Les boutiques des plus grands musées du monde ont connu de nombreuses transformations ces deux dernières années. Plus qu’un passage forcé à la fin d’une visite, elles sont devenues des destinations shopping à part entière, où les souvenirs ont cédé la place à des articles uniques, prisés des passionnés d’art. Inspirez-vous de leur succès en 5 leçons sur l’art de vendre.

V&A Museum
© V&A Museum

1. Créer un lieu d’exception

Comment marquer les esprits dans le plus grand musée dédié au design et aux arts décoratifs du monde ? Avec plus de 2,3 millions d’objets répartis dans ses 145 galeries, le Victoria and Albert Museum offre à ses visiteurs de nombreuses occasions d’éviter un détour par sa boutique. Mais le musée n’a pas renoncé à développer son potentiel commercial. Dès 1863, il ouvre son premier point de vente avec l’ambition de présenter autrement les créations des designers de l’époque.

La boutique s’offre une nouveau visage en 2017, 11 ans après sa dernière rénovation. L’objectif ? Capter l’attention des 4,4 millions de visiteurs annuels qui poussent les portes du musée chaque année. De large panneaux lumineux suspendus au-dessus des comptoirs de vente, des carreaux de céramique gravés à l’imprimante 3D, des piliers en acier découpés au laser forment un îlot contemporain surprenant, au centre du hall principal à l’architecture Renaissance. Et l’audace paie : en un an, le musée a enregistré une hausse de 17% des revenus issus de ses activités commerciales.

À retenir : Miser sur un emplacement de choix ne suffit pas. Le succès d’un point de vente repose aussi sur son identité visuelle. Distinguez votre boutique de son environnement pour susciter la curiosité de vos futurs clients.

A Rebours
© A Rebours

2. Présenter ses produits comme des œuvres d’art

Boutique, galerie, concept-store… Lafayette Anticipations s’est joué des codes de l’art et du retail pour ouvrir À Rebours, son “magasin de nouveautés”. Dans ce lieu hybride dédié à la création contemporaine, on trouve matière à collectionner : des éditions limitées signées des artistes en résidence à la fondation, aux livres d’art choisis par la librairie Yvon Lambert, la sélection interroge nos habitudes de production et de consommation sans compromettre nos envies de shopping.

Cette volonté de s’affranchir des règles du retail se retrouve jusque dans l’aménagement du lieu. Le studio d’architecture Ciguë a imaginé des présentoirs en plâtre et papier recyclé, pareils à des socles sur lesquels les articles s’exposent en pleine lumière. Des étagères en bois et des panneaux en métal recomposent l’espace pour mettre en valeur la collection du moment. Le vide est le bienvenu, comme pour laisser les visiteurs se concentrer sur l’essentiel : la sélection d’objets inattendus, insolites, mais jamais inutiles. Un parti pris audacieux et gagnant pour À Rebours, remarqué par la presse dès son ouverture.

À retenir : N’ayez pas peur du vide. Limiter le nombre d’articles exposés permet à vos clients d’apprécier chaque pièce. L’espace négatif n’est pas synonyme de perte de place, il attire les regards vers ce qui compte vraiment.

MomA
© MoMA

3. Offrir une sélection de qualité plutôt que des souvenirs

Depuis sa rénovation en 2016, le MoMA Design Store n’a rien à envier au musée dont il porte le nom. La boutique est devenue une référence pour les passionnés de design, mais aussi pour les designers : voir ses créations dans le catalogue de cette adresse mythique tient presque de la consécration. Ici, les mugs et les stylos ne sont admis que s’ils s’inscrivent dans l’histoire du beau et de l’utile.

Les courbes d’un vase dessiné par Alvar Aalto, un fauteuil en cuir et bois imaginé par Charles et Ray Eames, mais aussi une paire de Nike revisitées par Virgil Abloh, un porte-monnaie Comme des Garçons ou une sélection de produits plus abordables conçus par Muji ou Hay… La collection s’adresse à tous sans perdre en cohérence. L’équipe curatoriale du musée conseille les acheteurs de la boutique sur le choix des articles, présélectionnés selon 8 critères tels que leur caractère innovant ou leur valeur éducative. Et avec 44 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel liés aux activités retail du musée, le succès commercial est au rendez-vous.

À retenir : L’image de votre marque dépend aussi de la qualité de votre sélection. Choisissez des articles en accord avec votre histoire et votre mission pour gagner la confiance de vos clients.

Palais de Tokyo
© Palais de Tokyo

4. Vendre une expertise, pas seulement des produits

Lorsque l’on se revendique “anti-musée”, pas question de se contenter d’une boutique de souvenirs pour retenir ses visiteurs à la fin de leur visite. Le Palais de Tokyo a donc fait le choix d’une librairie spécialisée sur les arts visuels. Magazines indépendants, ouvrages de référence, manifestes d’artistes et catalogues d’expositions se côtoient sur ses étagères, pour le plus grand bonheur d’un public passionné d’art contemporain, de design, d’architecture ou encore de photographie.

La gestion de l’espace a été confiée à deux grands noms de l’édition d’art : Walther König, la librairie qui a conquis la scène artistique européenne de Berlin à Londres en passant par Bruxelles, et Cahiers d’Art, la maison d’édition parisienne aussi connue pour sa revue que pour ses catalogues raisonnés des œuvres de Picasso. Plus qu’un souvenir, c’est un morceau d’histoire de l’art que l’on vient chercher ici. Et les amateurs sont si nombreux qu’en 2017, la surface consacrée à la librairie est passée de 100 à 450 m2.

À retenir : Alors que le moindre article s’achète en quelques clics, offrez votre expertise à vos clients. Des conseils avisés sauront les convaincre de visiter votre boutique.

Mucem
© Mucem

5. Prévoir une programmation pour sa boutique

Les musées l’ont bien compris : les collections permanentes ne suffisent pas à maintenir l’intérêt des visiteurs. Pour s’assurer une fréquentation optimale tout au long de l’année, rien de tel qu’un calendrier d’expositions et d’événements bien rempli. Et c’est aussi la stratégie retail adoptée par le MuCEM. Plutôt que d’installer un espace de vente permanent, son équipe a fait le choix d’une succession de boutiques éphémères, inspirées de la programmation du musée.

Dès le retour des beaux jours, c’est la Boutique d’été qui accueille Marseillais et touristes. Dans ce concept-store dédié aux marques et designers locaux, les éditions limitées occupent le devant de la scène. Les lunettes de soleil Waiting for the Sun, les bijoux A Day In inspirés de la résille en béton fibré qui enveloppe le musée et les paniers en osier d’Il Était Un Fil remplacent les souvenirs. Bien que l’été soit déjà un souvenir, la boutique ne désemplit pas et se prolonge jusqu’au 4 novembre.

À retenir : Surprenez vos clients pour les fidéliser. Ouvrir une boutique éphémère pendant quelques mois, privilégier les éditions limitées ou profiter de votre espace pour organiser des événements réservés à vos clients sont autant de bonnes raisons de les faire revenir.

Par Clémence Gruel