Retail et activisme - La montée en puissance des marques responsables

7 Mar 2018

« Ce n’est plus le sexe qui fait vendre, mais l’activisme. Les marques le savent bien. » Ce titre du journal anglais Le Guardian est sans équivoque. Mais s’engager en retail n’est pas sans risque, ni sans certains avantages...

D’après une récente étude de Denjean & Associés, 97% des Français sont prêts à boycotter les entreprises dont les pratiques sociales ou environnementales sont destructrices. Parallèlement, le rapport Radical Times call for Radical Brand Commitment du pôle Recherche & Prospective de Peclers Paris rappelle que 52% des millénials préfèrent les marques qui s’engagent. Une preuve que l’activisme en retail paye.

Le concept n’est pas nouveau. Dame Anita Roddick a bâti le Body Shop, son empire à un million de dollars sur deux piliers. 1) Des produits aux parfums délicieux à base de produits naturels. 2) Des campagnes très engagées, notamment pour bannir les tests effectués sur les animaux au sein de l’union européenne. De la même façon Ben and Jerry’s - connu pour ses glaces parfum Cookie Dough - s’engage, depuis ses débuts en 1978, pour développer le commerce équitable, les emballages responsables et le mariage pour tous.

Humains déguisés en lapins portant une banderole The Body Shop marquée Ban animal testing
© Body Shop

L’activisme fait partie de l’identité de The Body Shop et Ben & Jerry's depuis le départ. Mais, pour les entreprises qui décident d'adopter une cause à un certain moment, il existe un risque que leurs clients ne reconnaissent plus la marque ou qu’ils perçoivent ce nouvel engagement comme une stratégie marketing, plutôt que comme un désir de faire bouger les choses. Prenez par exemple l'initiative Pepsi Refresh en 2010 : Pepsi a distribué 25 millions de dollars pour financer des idées qui changeraient le monde. En deux ans, Pepsi a du laissé sa place de 2ème boisson gazeuse la plus populaire en Amérique au Coca Light. La marque aurait aussi causé au groupe Pepsi une perte de 350 millions de dollars durant cette période...

Mais il existe aussi des marques dont l’activisme est largement récompensé. En décembre dernier, Donald Trump a annoncé son intention de réduire deux zones de parcs nationaux protégés dans l'Utah. Cette initiative réduirait le monument national Bears Ears de 1,3 million d'acres de 85% et celui de 1,9 millions d’acres de Grand Staircase-Escalante de 45%, provoquant la colère des conservateurs, des Amérindiens et de la ligue internationale anti-Trump. Le jour suivant, Yvon Chouinard, PDG de la marque de vêtements de plein air Patagonia, annonçait « Je vais poursuivre Trump, il semble que la seule chose que cette administration comprenne, ce sont les poursuites judiciaires. » La marque a affiché la déclaration suivante sur la page d’accueil de son site.

Campagne de la marque Patagonia sur son site, contre la proposition du président Trump de réduire deux zones de parcs nationaux protégés dans l'Utah : Bears Ears et Grand Staircase-Escalante
©Patagonia

Ce coup d’éclat fut couvert par de nombreux médias majeurs dont le Time et le Washington Post. C’était un exemple parfait d’activisme. Une marque de de prêt-à-porter outdoor qui s’élève contre un président détruisant ce qui est cher à ses clients : la nature. Personne ne pouvait douter de la sincérité de la réaction de Patagonia.

À côté des grandes marques, de nombreuses start-ups militent. Les fondateurs de CanO Water par exemple, ont décidé de concevoir une canette réutilisable après un voyage en Thaïlande où ils ont été choqués par la quantité de plastique et de déchets déversés. Ils ont ouvert un magasin à la station londonienne Old Street pour alerter le public sur les 16 millions de bouteilles en plastique, envoyées tous les jours au site d'enfouissement au Royaume-Uni. Les visiteurs pouvaient y échanger leurs bouteilles en plastique contre de nouvelles de CanO Water. Celles-ci sont maintenant stockées chez Selfridges et Whole Foods et vendues internationalement. Il existe de nombreuses façons de militer, la marque de streetwear Hypepeace, qui a ouvert un pop-up avec Appear Here à Paris en juillet reverse les bénéfices de ses ventes à l'ONG Sharek Youth Forum et à Syria Relief, tandis que des marques comme le Chocolat des Français ou Le Slip Français s’engagent sous la bannière du Made in France.

magasin de la marque CanO Water : un tank transparent rempli de bouteilles de plastique vides et un mur marqué de statistiques sur l'aluminium et le plastique non recyclés, au dessus d'une photo de la mer
Cano Water ©Appear Here

Cela soulève une question, les marques doivent-elles avoir une cause ? Avoir un bon produit et un beau magasin peut-il encore suffire ? Nous vivons à une époque où l’instabilité politique, économique et écologique prend beaucoup de place dans la vie des gens qui relaient leurs incertitudes sur les réseaux sociaux. Le monde du retail peut participer à ces débats d’actualité, pourquoi pas via un « supper-club » ou une soirée de discussions autour d'une cause chère à une marque. Tous les entrepreneurs ne sont pas obligés de s’adresser au président comme Yvon Chouinard, mais ils peuvent faire une différence à leur échelle. Et, si cela leur permet d'attirer un peu plus de clients, c’est tout aussi bien...